samedi 24 mars 2012

Les Adieux à la Reine

Benoît Jacquot , 2012


D'un rêve ou d'un cauchemar, nous voilà prisonniers, enchaînés à Sidonie, liseuse éberluée qui dès le début, se fait des films, ponctuant ses lignes de gratouillements discrets, se nourrissant des regards de La Reine, ne vivant que pour la servir, la satisfaire, l'aimant à en crever. D'un coup de langue à l'éclat vermeille, Marie Antoinette brise les espoirs de la fillette, qui sans sourciller accepte la concurrence, oui, mais pas les remontrances. Ma Reine est malheureuse, mon âme absorbe sa douleur, Ma Reine rigole et s'épanouit, mon corps se drape de sa lumière, et puis d'un plan à l'autre mon coeur s'éclate contre les murs, éclaboussant les tapisseries de mon amour. Face à cette humble gamine transparente se dresse Gabrielle de Polignac, imbue, glaçante, celle dont on prononce le nom en tremblant, de haine ou de respect? A l'aube d'une révolution sanglante mais nécessaire, on se colle à Sidonie, l'échine courbée, courant maladroitement dans ce château malade, au murs gangrenés et crasseux, qui lentement, s'effritent et contaminent ses habitants. Il y en a qui fuient, d'autres qui meurent, mais Sidonie, elle, demeure, rongée par son amour, aveuglée par la robe soleil de sa Reine, petit rat en peine qui respire au rythme de la caméra. Versailles cogite, Versailles s'agite, la psychose revêt des habits de gardes suisses, profitant même d'une belle après-midi d'été pour se laisser lentement couler au fond d'une gondole, clapotis cristallins de l'eau souillée, il est trop tard, le cadavre du rongeur, tour à tour exhibé puis intimement frôlé les mord, la Mort, entre les livres se faufile pour un dernier baiser..

mardi 13 mars 2012

Rio Bravo

Howard Hawks, 1959


Le tintement d'une pièce sournoisement jetée dans le crachoir, accompagné par le cliquetis du chien d"un Colt que l'on arme, la balle fuse, l'homme s'effondre, la trame est posée, à nous de sauter dans la diligence en route. Joe Burdette, coincé derrière les barreaux, lance des regards assassins, crache sa haine mais heureusement, le vieux Stumpy ne se laisse pas impressionner, à lui de balancer vannes et remarques malignes, et la longue garde commence, ponctuée de coups de feu, d'éclats de rire et de tendresse, avec toujours cette merveilleuse maîtrise des dialogues et des plans. Que ce soit dans le choix des couleurs ou des détails, Hawks nous en colle plein la rétine, modulant la lumière de telle sorte que toujours, ses personnages rayonnent; Angie Dickinson, éblouissante, dégage une énergie telle qu'on en oublie la poussière et les gun fights quelques instants. Le sujet est passionnant. Le Shérif, Chance, homme droit tartiné de discipline, tente du mieux qu'il peut de préserver sa ville du terrifiant Burdette, dont il vient tout juste d'emprisonner le frère, l'attente est longue, jusqu'à l'arrivée des 'hauts-placés', mais Chance n'est pas seul:le vieux Stumpy, Dude l'écorché - d'amour et d'alcool- le jeune Colorado, la magnifique Feathers et le drôle d'hôtelier Mexicain, tous unis contre la menace Burdette, alternent rondes de nuit, parties de poker mouvementées, discussions intrigantes et dialogues amoureux exquis, yep', ils ont de quoi faire.
Get along home, Cindy Cindy.
Get along home, Cindy Cindy.
Get along home, Cindy Cindy.
I'll marry you sometime. 


Incroyable, cet attachement qui naît et se développe au fil du film, jamais personnages n'auront été aussi bien dépeints, avec autant d'aisance et de psychologie. Feathers, est-elle si sûre d'elle? où n'est-ce qu'une façade forgée à coups de plumes et de sourires joviales en vue de se protéger? Dude, excellent tireur, guérira-t-il de ses blessures grouillantes d'alcool et de remords? Rio Bravo touche des sommets de narrativité rarement atteints, la bande son, non plus, n'est pas en reste "Cindy hugged and kissed me, She wrung her hands and cried Swore I was the prettiest thing That ever lived or died" épatante, la scène où, les 3 protecteurs aux Colt chargés chantonnent, à l'unisson, sous l'oeil pétillant du Shérif Chance, touché depuis peu par le noble sentiment Amour, petit à petit, il se décoince, toujours un peu maladroit mais passionné, le baiser, quel baiser, les mains d'Angie Dickinson et son sourire.. Waow.





Dans la ligne de mire, Colorado vous montre comment tirer, la rue principale de la petite ville, du dehors  vers la prison, entre les deux? un seul obstacle: Dude, posté à l'entrée. mais..



vendredi 9 mars 2012

Bye Bye Blondie

Virginie Despentes, 2012

Quelque part entre une campagne bourrée et LA grande ville en toc, coincées sous une pile de Vinyls brisés et des cadavres de grandes personnes, Frances aime Gloria qui aime Frances et c'est comme ça. Mais venez pas nous dire qu'l'amour c'est aussi simple. Deux corps aussi vivants, souvent troublants, -maniérés puis désarticulés, en perpétuel mouvement- sacré régal à filmer, à admirer, les 2 gamines absorbent la lumière et l'énergie du monde qui les entoure, pour mieux rayonner, à moins que ce ne soit elles, qui entourent le monde de leur folie de leur délire de leur passion. Ca leur ferait pas de mal, aux parents de Gloria, un bon disque punk dans la mâchoire, bordélique et percutant, à l'image des 2 amantes, qui s'accordent avec délice quand viennent les refrains. Histoire d'amour pop et décalée, dégageant une odeur curieuse de joint parfum vanille/regrets, Bye Bye Blondie à le mérite de ne pas tricher, quelques fausses notes, certes, et pas parfait, mais enrobé d'une énergie pure, sans limite aucune, une énergie folle à t'en irradier les pupilles même une fois les yeux fermés.







Entre le Ciel et l'Enfer

Akira Kurosawa, 1963


L'argent, la Famille, la famille, l'Argent. Entre le ciel et l'enfer, Kingo Gondo se meurt, désespère, le cerveau bouillonnant d'indécision, irradiant la maudite pièce de son appartement d'une rage démentielle. Une pièce, qu'il ne quittera jamais , une pièce où l'action se met en place, Kurosawa insérant avec une minutie d'horloger les rouages de cette grande locomotive furieuse, petit à petit, plan par plan. Fantastique, ce huit clos angoissant, appuyé d'un jeu de lumière grandiose. Plus fantastique encore le 'drop' qui s'opère en plein milieu du film, pour se concentrer sur la police. Police un peu moutonne mais efficace, concernée par les tracas de tous, c'est rare, de voir tant de flics appliqués, les stéréotypes tombent et l'enquête prend toute la place, nous sommes autorisés à tout voir, à tout analyser, on est à la limite du film interactif, avec ses pauses et ses mystères, ses poursuites et ses énigmes. Dernière partie fulgurante, grouillante de monde, plongée sans anesthésie dans un univers sombre, stone et enrobé de fumée, le ravisseur marche nonchalamment vers sa destinée funeste, les gamins, sur leur terrain de jeu pavé de billets, jamais, ne s'arrêter de plaisanter.




jeudi 8 mars 2012

Chronicle

Josh Trank, 2012



La fascination de l'humain pour les trous est sans limites. Trou dans la peau, dans l'atmosphère ou trou profond dans le sol, faut que les 3 ados les explorent tous, s'y engouffrent inconsciemment, s'y perdent et y revivent, s'y aiment et s'y détestent. Rejeton timide et mal-aimé, battu jusqu'à en saigner de la crasse, Andrew nourrit son pouvoir plus qu'il ne le faut, le gavant de sa colère, de sa haine, de son besoin de vengeance. Pour exister, Steve a juste besoin d'être lui-même, son pouvoir grandit par à-coup, au jour le jour, mais toujours avec ce côté fun et rigolo, bon sang ce qu'on s'attache à ce gosse. Le 3ème larron, plus étrange finalement car incohérent dans ses attitudes, a plus de mal à trouver sa place; Matt évolue différemment, amorphe sur un plan puis débordant de fougue sur l'autre, parfois, la caméra peine à se fixer, sauf peut-être lorsque par télékinésie, elle réalise avec grâce son ballet aérien, bercée par les pensées d'Andrew, dirigée par le point de vue d'un Dieu . .


Dieu Déconne





mercredi 7 mars 2012

Tirador

Brillante Mendoza, 2007

Tirador est un cri, un corps en sueur, une foule en mouvement, Tirador est un mélange d'odeurs et de genres, parfois romantique, souvent drôle, tragique mutant informe mais magnifique, n'hésitant pas à tirer. BAM BAM. Les bas quartiers sont investis par la milice, flics débiles , tyrans irrespectueux, le ghetto saigne, vomit l'angoisse, le mec en tong dérape, ON T'EMBARQUE, mais c'était sans compter les femmes, diaboliques sirènes aimantes et hurlantes, qui, d'un coup de hanche bien placé rendraient fou le plus téméraire des hommes. La fourmilière ne s'arrête jamais de vivre, de se battre, même lorsque la mort et le désespoir s'invitent entre ses murs rugueux. Mendoza est plus qu'un simple cinéaste. C'est un passeur. Impossible, en effet, de ne PAS sentir l'odeur des bouts de viandes qui crépitent, impossible de ne PAS plonger ses mains dans la rigole boueuse à la recherche du dentier déchu, impossible de ne PAS s'écorcher les poumons avec les voleurs à la tire.