dimanche 24 juin 2012

L'Apollonide - souvenirs de la maison close

Bertrand Bonello - 2011
Derrières de grands rideaux au velours mélancolique, une ombre se glisse. Timide client aux mains crispées sur son couvre-chef - riche habitué au regard narquois, l'homme s'avance dans le salon, jonché de coussins moelleux aux envies mutines. jeux futiles, regards en biais, poitrines vibrant au rythme des conversations qui finalement, ne comptent pas vraiment, moustache taillée au cristal alcoolisé, l'Apollonide passe un doigt rieur sur les contours du trou - le verre s'exclame, la femme se redresse, ses boucles tièdes rebondissent mollement contre son cou, souffle d'extase à peine retenu, vite, montons. Long plan horizontal, intime travelling dans l'antre des plaisirs, traversé par ces mouvements verticaux, d'un corps qui subitement se lève, pressé d'atteindre l'orgasme, l'organe pointé vers les cieux habités par la femme sourire, par la femme qui songe.
 Rêverie animale d'un félin ruminant sa vengeance en silence, étalage de sons et d'odeurs, la maison close bouillonne, se libère, parfois - putain de grâce éclaboussée - combien, pour l'éternité?



vendredi 22 juin 2012

Moonrise Kingdom

Wes Anderson - 2012
Pas cadencé des petits ratons sauvages en fuite, pour eux plus rien ne compte à part le douillet coin de paradis façonné à grand renfort d'imagination, duveteux contours d'un royaume impénétrable; l'Amour s'immisce entre les costumes, dans la loge aux oiseaux, "i'm a Raven", violent coup de foudre annonçant la tempête du siècle, grosse caisse et cloches s'affolent, l'Orage approche.. C'est l'innocence contre la haine, l'amour contre la rage, l'espoir contre l'échec, Liberté l'Inconsciente se jette de tout son coeur sur Société la Terrible, longiligne bonne femme au regard sec, coups de ciseaux de gaucher transpercent la fourrure de droite à gauche, du haut vers le bas, le maître d'orchestre agite sa baguette d'une main experte ; les Cieux se déchirent, vomissent des litres de feu et des gerbes de flammes liquides sur le monde d'en bas, du haut de sa cabane en bois nichée au sommet d'un arbre halluciné, Dieu s'amuse. Seul les adultes un peu rêveurs s'en sortent car Moonrise Kingdom est gouverné par un couple invincible, astucieux monarques en couches culottes à l'âme d'une pureté ahurissante, nul besoin de règles idiotes : timides ébats les pieds dans l'eau , bisou humide sous l'oeil envieux d'une Lune transparente : l'Amour est sans limite

Berlin Calling

Hannes Stöhr - 2008







Hors champs se hisse une voix, puis quelques notes évadées d'un synthé aérien ---- le drogué au son, charismatique gourou aux poings levés tripote ses platines, l'esprit ailleurs... Préoccupé .... La came pulse dans ses veines, les beats fracassent ses tempes, la musique l'enveloppe, l'étouffe, regarde, la mouche est prisonnière. Une main repentie soulève le verre, l'insecte déploie ses petites ailes endolories, le son se clarifie, l'album est prêt, la boucle bouclée. La Création comme remède, comme moyen d'exister, doucement, rêveuses, leurs âmes s'élèvent vers l'infini. . 

vendredi 15 juin 2012

Piano Forest

Masayuki Kojima, 2007


 
 

4 petites souris grignotent la partition du gamin aux cheveux rouges, éclats mordorés teintés de notes sauvages, peu à peu, le piano l'apprivoise. Pied nu dans l'herbe folle, qui pousse au son des touches sous une lune radieuse, lumineux instant de grâce où le métronome s'arrête, quelques battements de coeur en rythme, la respiration coupée - - - le spectateur écoute, la musique submerge tout, s'infiltre avec finesse dans les corps; merveilleux transport que cette gamme là, on est bien, protégé par les arbres, les feuillages, la Nature : le talent a toute la place du monde pour s'exprimer. L'un est farouche l'autre appliqué, deux styles à l'opposé, donc, mais qui, l'air de rien, au détour d'une portée, se complètent et s'unissent avec courage pour venir à bout des fausses notes dressées sur leurs chemins. 
Piano Forest, mélancolique partition, que l'on a hâte de rejouer..



dimanche 10 juin 2012

La 317e section

Pierre Schoendoerffer, 1964




Dieu observe la fourmilière, à peine dissimulée par une brume laiteuse. Les lignes bien droites l'énervent. Puissant coup de rangers boueuse dans le tas, les fourmis s'éparpillent en hurlant. A la lueur d'une lampe froide, se dessine fébrilement les contours d'un cadavre. "Une peau élastique, et pas de poils". Le jeune chef débite ses ordre d'un ton rêveur, se rend-il compte de la situation? La caméra, vive et précise chope tout. Les ombres, le souffle des roseaux, la sueur sur les fronts lisses, avalanche de point de vue, l'oeil d'un cambodgien furtif "TIRE", regard pénétrant, sans peur. Invisible et menaçante, des entrailles de la forêt, la menace gronde. A la pointe des hautes herbes, l'objectif s'accroche, se fraye péniblement un chemin entre les branchages, puis, d'en haut de la colline, le petit soldat se meurt.


'Une peau élastique et pas de poils'








samedi 2 juin 2012

Alien

Ridley Scott, 1979 


A pas feutrés, entre les câbles, le chat s'avance; matou roussi fugueur, félin furtif, sans peur. Son ombre, dégoulinant de fluides poisseux, dresse son immense crâne aux contours phalliques par dessus l'épaule d'Harry Dean Stanton, tout juste purifié d'une gorgée d'eau salvatrice, merveilleuse scène où la caméra, affranchie de toute pesanteur s'aventure avec une grâce céleste dans l'atmosphère. Puissant cri lâché des profondeurs, regards apeurés des humains fais comme des rats, qui, lorsqu'ils ne se font pas déchiquetés de face, se déchirent de l'intérieur. Naissance brutale de la peur originale, grésillements fous d'un robot taré, l'image est moite, l'atmosphère mouillée, les regards fous nous montrent un portrait sombre et métallique de ce qui pourrait être LE voyage de ce siècle, balbutiement primitif d'un embryon gluant, dont l'unique but est de trouver la mort.



vendredi 1 juin 2012

Rusty James

Francis Ford Coppola, 1984


Le p'tit poisson motorisé agite sa queue flashy, les ombres suintantes s'accrochent au bitume amer, en dehors du cadre, de l'esprit, la mer, palpitante et merveilleuse, séduisante et paresseuse, don't worry Rusty James, je te porterai. Gamin paumé et inconscient, enveloppé de brume, pot d'échappement, gigote, au rythme d'une B-O fringante. 
Coppola, une fois de plus, nous trimballe dans un rêve, dans un cauchemar, sans fin et sans limites, on se cogne, on trébuche, de plan en plan, coup de bâte coup de langue, les lèvres collées au goulot d'une bouteille à moitié vide, on ressort changé de ce voyage initiatique, complètement ivre.